• À quoi sert le cinéma ?

    "Le cinéma ne sert pas : nous nous servons de lui pour vivre poétiquement durant la projection", déclare le philosophe Edgar Morin.

    Les journalistes de Télérama ont demandé à des artistes de définir le rôle du cinéma. Voici quelques réponses.

    Fanny Ardant, comédienne et réalisatrice dit avec sa fougue habituelle : "Pourquoi faut-il que le cinéma serve à quelque chose ? Quel est le besoin de notre société de vouloir être utile à toute force ? Le cinéma, c'est la lumière dans le noir. Et sans lumière on devient fou... Il nous indique un chemin, celui où il ne fallait pas aller, où il ferait bon d'aller, où il aurait été bon d'aller. J'ai toujours vu le cinéma comme une promesse. Chaque film en est une. (...) Et tant pis si, comme trop souvent, elles s'avèrent décevantes. L'essentiel, c'est la découverte, (...) c'est de suffoquer, brusquement, devant un plan, une réplique, un mouvement de caméra qui ne semblent n'avoir été imaginés que pour vous. (...)"

    Pour Luc Bondy, metteur en scène de théâtre : "Le cinéma ne sert à rien. Et il est indispensable. comme le superflu. On comprend mieux certaines situations auxquelles on est confronté après les avoir vues au cinéma. La prisonnière du désert de John Ford m'a beaucoup appris sur la séparation avec l'être aimé, et Ève de Mankiewicz sur l'ambition et la rivalité cachée de certains collaborateurs... Antonioni et Bergman m'ont aussi enseigné à grandir, à vieillir. (...)"

    Véronique Cayla, présidente du directoire d'Arte France, explique : "Dans notre monde saturé d'images en tous genres (...) dans ce monde où règnent l'immédiateté et la vitesse, le cinéma est une respiration, une parenthèse, comme un moment de suspension du temps. (L'écrivain) Milan Kundera dirait que le cinéma d'auteur renoue avec le plaisir de la lenteur et de la mémoire, contre l'instantanéité, l'instabilité et l'oubli... Un film est toujours le regard ciselé d'un artiste posé sur le monde, un geste réfléchi et construit sur une époque. (...) Il suffit de regarder Le Havre d'Aki Kaurismäki ou Timbuktu d'Abderrahmane Sissako pour comprendre la force évocatrice et poétique du cinéma sur les enjeux et les convulsions de notre époque. (...) Le cinéma ouvre sur l'altérité, promesse de dialogue et d'échanges avec les autres cultures, et donc vecteur de compréhension mutuelle - et de tolérance."

    Jacques Rancière, philosophe, conclut : "Chacun a pu s'y laisser aller au plaisir des histoires et des images sans se demander si c'était de l'art, et repartir librement, en regardant sur une toile blanche des ombres qui lui montraient un monde semblable au sien, la part du simulacre et celle de la réalité. On y a appris à percevoir la singularité d'un regard collé à une fenêtre, d'un geste de complicité imperceptible, d'un mouvement qui cache l'émotion qu'il exprime. On y a appris, en somme, à être au monde."

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  • Commentaires

    1
    MB
    Mercredi 18 Novembre 2015 à 13:23

    Beaucoup de sagesse dans ces citations dans lesquels je me reconnais. En ce qui me concerne, le cinéma est une échappatoire: je ne suis plus moi-même l'espace de quelques heures 

    Si le film me transporte, je suis le personnage qui m'inspire le plus. Je vis avec lui, ris avec lui ou encore pleurs avec lui (et parfois même à sa place).
    Si le film me plait, je vis les choses avec ce même personnage, choisi avec le même soin. Je lui tiens la main, parfois il tient la mienne, et on vit les choses ensemble.
    Malheureusement, les films nous laissent souvent spectateur... Le film est-il "de mauvaise qualité" ? A-t-on "vécu" trop de choses similaires ? Quoi qu'il en soit, le cinéma est mon poumon. Sans lui, il me serait compliqué de vivre, si je prends soin de lui, si je le respecte, il prend soin de moi et m'aide parfois à guérir les maux que la vie nous réserve et dont elle a le secret. Mais avant tout, et comme tout poumon qui se respecte, il me fait respirer !

      • Mercredi 18 Novembre 2015 à 14:44

        Très belle façon de dire que le cinéma nous est essentiel.

        En ce qui me concerne, il m'a permis, avec la littérature, de découvrir les autres, leur psychologie, leurs sentiments... et évidemment, de me comprendre mieux et d'aller vers les autres.

        Quant aux films qui nous laissent spectateurs, il y a , je crois, trois cas de figure : soit le réalisateur se regarde filmer et/ou n'a pas mis assez d'âme dans ses personnages - ce qui est un défaut du film - ,  soit, on a vu trop de films pour regarder celui-ci avec assez de naïveté - et là le film n'y est pour rien -, soit on ne le regarde pas au bon moment et il ne parvient pas à nous parler, plus tard peut-être...

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