• OGM, lobbying et TAFTA : un trio anti-démocratique

    Le journaliste Paul Moreira a réalisé en 2014 un fort bon reportage montrant la dangerosité des OGM et le lobbying qui les entoure pour qu'ils soient vendus partout dans le monde : Bientôt dans votre assiette (de gré ou de force).

    Publicité pour un soja OGM en Argentine

    Des firmes agrochimiques, à l'instar de Monsanto, ont donné naissance en 1993 à des variétés de soja et de maïs, plus résistantes aux herbicides non sélectifs tels que le Roundup qui contient entre autres du glyphosate, produit toxique, irritant, écotoxique et cancérigène probable. Mais contrairement aux promesses de ces entreprises, un certain nombres de mauvaises herbes résistent maintenant à ce pesticide, obligeant les agriculteurs qui produisent du soja ou du maïs OGM à utiliser le Roundup avec d'autres pesticides tout aussi agressifs.

    avion pulvérisant du Roundup sur des champs de culture OGM

    En outre, des effets secondaires sont constatés par les éleveurs et agriculteurs. Au Danemark, où la quasi-totalité des animaux d'élevage est nourrie au soja transgénique, les éleveurs de cochon ont vu apparaître un mal nouveau, la mort jaune, une maladie gastrique qui tue 30% des bêtes. Et si en Argentine, la culture transgénique a permis d'augmenter de 65% de la surface cultivable, les riverains pauvres de ces exploitations dénoncent une pollution massive issue des pesticides qui cause de nombreuses maladies mortelles.

    Enfant de 12 ans, handicapée à cause du Roundup

    D'ailleurs l'étude du professeur Séralini, publiée en 2012, met en avant les dangers sanitaires que représentent les OGM sur des rats ingérant durant deux ans (et non six mois comme c'était le cas dans les études précédentes) du maïs OGM traité au Roundup. Et si pendant un temps, grâce aux lobbyistes pro-OGM celle-ci a pu être discréditée, il est maintenant avérée que les critiques s'apparentaient à de la censure. D'ailleurs, 140 scientifiques français ont publié fin 2012 dans Le Monde une tribune intitulée "Science et conscience". Ils y dénonçaient "le fait qu’un groupe d’une douzaine de personnes prétendant représenter six académies ait décidé d’un communiqué commun sans débat est contraire au fonctionnement normal de ces institutions et interroge sur la vision de la science et de la technologie (et de leur utilité sociale) ayant présidé à une telle décision. [... Certes] le protocole suivi dans [l']étude [du professeur Séralini] présente des défauts qui font débat au sein de la communauté scientifique. Mais en tout état de cause, disqualifier le protocole suivi dans le cadre de cette étude revient à disqualifier du même coup les données ayant fondé les décisions d'acceptation des OGM par les experts. Il est remarquable de voir ces mêmes experts accepter (même s'ils le critiquent parfois) un protocole expérimental quand il donne des résultats qui vont dans le sens de l'acceptation d'une technique et le démolir aussi ardemment quand les résultats vont dans le sens opposé. Ceci est à notre avis totalement contraire à toute déontologie scientifique. Nous affirmons donc que, si les observations en débat méritent d'être confirmées par des expériences de plus grande ampleur, cela s'applique également aux tests qui ont servi à autoriser toutes les plantes transgéniques actuellement sur le marché."

    rat ayant été nourris toute leur vie au maïs OGM traité avc du Roundup

    Dès 2012, Wikileaks publiait des documents révélant que l'administration américaine considérait que permettre de vendre des OGM partout dans le monde était un enjeu économique majeur. Ces câbles, citant plus de cent fois le nom de José Bové, montraient que l'opposition de la France à la mise sur le marché des OGM leur posait problème. Cette divulgation de documents secrets montre que le gouvernement américain a exercé des pressions pour que Monsanto et l'industrie transgénique puisse s'imposer partout.

    L'accord TAFTA, accord commercial trans-atlantique (ou Trans-Atlantic Free Trade Agreement, aussi connu sous le nom de TTIP, Transatlantic Trade and Investment Partnership ou Partenariat Transatlantique de Commerce et d'Investissement) concerne la sécurité des aliments, les normes de toxicité, mais aussi l'assurance-maladie, le prix des médicaments, la liberté du Net, la protection de la vie privée, l'énergie, la culture, les droits d’auteur, les ressources naturelles, la formation professionnelle, les équipements publics, l'immigration. Or, les discussions ont lieu à huis clos. En effet, comme l'explique fort bien Le Monde diplomatique : "les délégations américaines comptent plus de six cents consultants mandatés par les multinationales, qui disposent d’un accès illimité aux documents préparatoires et aux représentants de l’administration. Rien ne doit filtrer. Instruction a été donnée de laisser journalistes et citoyens à l’écart des discussions : ils seront informés en temps utile, à la signature du traité, lorsqu’il sera trop tard pour réagir. Dans un élan de candeur, l’ancien ministre du commerce américain Ronald (« Ron ») Kirk a fait valoir l’intérêt « pratique » de « préserver un certain degré de discrétion et de confidentialité ». La dernière fois qu’une version de travail d’un accord en cours de formalisation a été mise sur la place publique, a-t-il souligné, les négociations ont échoué — une allusion à la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA), une version élargie de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena) ; le projet, âprement défendu par M. George W. Bush, fut dévoilé sur le site Internet de l’administration en 2001."

    affiche contre l'accord TAFTA

    De ce fait, tous les espoirs sont permis pour Monsanto et les autres. En effet, comme l'explique Corinne Lepage, ex-députée européenne, qui s'est battue contre le projet de traité transatlantique explique : "Si demain Monsanto n'accepte pas que la France étiquette leurs OGM ou les refuse, ils nous poursuivront devant des arbitres et demanderont des centaines de millions de dollars de dommages et intérêts. Pour discrimination commerciale... C'est une guerre qui ne dit pas son nom."

    Et les États risquent fort de perdre ces arbitrages puisque en l'état actuel des négociations concernant TAFTA, ce ne serait pas des juges mais des "arbitres" qui jugeraient. Or un certain nombre sont des lobbyistes. Ainsi Daniel Price, un ancien lobbyiste de Monsanto, est un arbitre. Il intervient entre autres dans le cas Philip Morris contre l'État de l'Uruguay. Le gouvernement uruguayen imposant des avertissements santé un peu trop gros sur le paquet de cigarettes, la multinationale du tabac le poursuit.

    Un exemple met en évidence le désir des producteurs d'OGM de bâillonner l'information : l'État du Vermont est attaqué par Monsanto et les autres "épiciers" pour atteinte au "droit de se taire" suite à la loi prise par cet État, en avril 2014, de préciser sur les étiquettes si les produits alimentaires contiennent des OGM. Or comme le déclare l'un des partisans de la loi du Vermont, Andrea Stander de l'alliance Vermont Right to Know GMOs : "Il ne s'agit pas seulement du Vermont. Cela concerne tous ceux qui mangent. Les consommateurs de tout le pays se rendent compte que nous sommes devenus le terrain d'expérimentation sans frein de l'industrie des biotechnologies. Les gens veulent savoir si leur nourriture est fabriquée avec ces ingrédients. Cela leur donne le choix."  En effet, les consommateurs étasuniens sont très majoritairement favorables à l’étiquetage des OGM. Le 27 avril 2015, la juge Christina Reiss a refusé la suspension de la loi concernant l'étiquetage des produits alimentaires, mais n'a pas rejeté l’intégralité des demandes des industriels. Le procès aura donc lieu.

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 13 Juillet 2016 à 16:10

    Le TAFTA est actuellement toujours en négociation, et on ne sait rien de sa date de signature prochaine, ni de l'avancée des négociations, ni de la teneur de celles-ci. On sait seulement que de nombreuses choses restent encore à être accordées entre les européens et les américains, selon certains articles journalistiques.

    En tout cas cet article est très intéressant. OGM, Monsanto, lobbying... Heureusement qu'il y a du lobbying propre et responsable !

      • Mercredi 3 Août 2016 à 11:15

        Concernant le lobbying éthique, je vous conseille d'écouter l'émission passionnante "Terre à terre" du 5 décembre 2015 dans laquelle témoigne Martin Pigeon, chercheur au CEO (Observatoire de l'Europe industrielle), "lobbyiste anti-lobbying". Problème, comme l'indique le titre de l'émission "le blues des experts", ce n'est pas très optimiste...

         

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