• Philip Jones Griffiths, un photojournaliste engagé influent

    Pour le photo-reporter Philip Jones Griffiths, un photojournaliste doit faire un choix important : rapporter des photographies sur de nombreux thèmes de façon superficielle, ou se consacrer à un nombre plus limité de sujets de façon approfondie et proche. Les deux démarches ont leur place dans le monde de l’information d’aujourd’hui, mais la deuxième laisse des traces définitives.

    Philip Jones Griffiths, 1968, Vietnam

     

    Les photographies de guerre de Philip Jones Griffiths sont d'abord un acte militant, une façon de présenter sa vérité : "La guerre [du Vietnam] n'était pas finie et j'affirmais que les Américains allaient la perdre. C'est un livre engagé. J'ai vu trop d'horreurs pour rendre un travail distancié.", a-t-il expliqué dans la préface de son ouvrage paru en 1971, Vietnam, Inc. Celui-ci est composé de photographies prises au Vietnam de 1968 à 1971. Ce livre montre évidemment des photographies de la guerre opposant les Vietnamiens aux Américains, mais aussi les conséquences économiques et culturelles du conflit : la prostitution, les enfants lavés à la mode hygiéniste américaine, les magazines et les cigarettes offerts par des soldats... D'où son titre, Vietnam Inc. : "C'était ma façon de montrer que les Américains, au-delà des combats, voulaient imposer au monde leur système de valeurs. [...] Déraciner les gens et dévaster leurs foyers […] dans l'espoir de faciliter la pénétration de la nouvelle idéologie. […] Quand le paysan pensera plus à la facture d'électricité de son autocuiseur qu'à ce qu'il met dedans, la guerre sera gagnée parce que la 'révolution urbaine sponsorisée par les États-Unis' aura triomphé", expliquait-il dans sa préface.

    Philip Jones Griffiths

    Il a aidé à retourner l’opinion publique américaine contre l'engagement de l'armée américaine au Vietnam. Auparavant, la publication dans les journaux de ses photos avait été difficile car elles illustraient surtout les souffrances du peuple vietnamien et dénonçait cette guerre qu'il considérait comme un épisode de décolonisation. "Ce livre révélera, je l'espère, que les événements du Vietnam sont la conséquence d'une absence totale de sagesse", écrivait-il dans l'introduction de Vietnam Inc.

    Philip Jones Griffiths

    C’est le quotidien des vies touchées par la guerre qui est montré dans les photographies de Griffiths. C'est pour cela que son travail de longue haleine a touché les Américains au point de leur faire comprendre que les horreurs commises, mais aussi subies, par leur armée étaient illégitimes.

    Philip Jones Griffiths, 1968, Saïgon

    Il expliquait ainsi sa démarche : "Je ne cherche pas à émouvoir avec des photos "gore". Je veux que le lecteur jamais ne ferme les yeux".

    Philip Jones Griffiths, 1968

    Pour lui, "un photographe trop sensible qui n'arrive même plus à régler sa focale est aussi inutile qu'un chirurgien qui ne peut pas supporter la vue du sang. Il doit savoir garder son calme et canaliser son angoisse."

    Philip Jones Griffiths

    Le journaliste John Pilger a écrit : "Je n’ai jamais rencontré de la part d’un étranger autant de sage compassion pour les Vietnamiens, ou plus généralement pour les gens ordinaires, où qu’ils se trouvent, qui souffrent du joug des grandes puissances, que j’en ai rencontré chez Philip Jones Griffiths. Il fut un des plus grands photographes et des journalistes les plus fins qu’il m’a été donné de connaître et, en outre, un véritable humaniste ... Ses photos de simples gens, qu’ils soient de son pays de Galles bien aimé, du Vietnam ou du Cambodge, vous font sentir qui sont les véritables héros. Il fut l'un d'eux."

    Philip Jones Griffiths, Vietnam Sud, 1967

    En 2004, Griffiths a publié un autre livre sur le Vietnam intitulé Agent Orange : Collateral Damage in Viet Nam. On y trouve tous ses travaux concernant les effets de l'Agent Orange, le gaz toxique utilisé par l'armée américaine durant la guerre du Vietnam. Si les Américains ont toujours dit qu'ils s'étaient servis de ce gaz pour détruire la végétation afin de pouvoir localiser leurs ennemis, ils savaient très bien que l'Agent Orange est un poison extrêmement puissant : à cause de sa molécule mortelle, la dioxine, il tue et entraîne des déformations à la naissance ainsi que des centaines de maladies. Griffiths a fait ce livre pour dénoncer ce scandale qui, selon les estimations, a touché directement de 2,1 à 4,8 millions de Vietnamiens entre 1961 et 1971.

    Philip Jones Griffiths, Agent Orange : Collateral Damage in Viet Nam

    Si son travail sur le Vietnam est le plus connu, Philip Jones Griffiths a parcouru près de 120 pays pour des magazines comme Life ou Géo. Membre de l'agence Magnum de 1966 à sa mort en 2008, il l'a dirigée de 1980 à 1985. Il a couvert en 1973 la guerre du Kippour avant de revenir en Asie, au Cambodge jusqu'en 1975 puis en Thaïlande de 1977 à 1980. Il a toujours défendu un photojournalisme pur et dur. Quel qu’ait été son sujet — les Beatles à Liverpool, les mineurs du pays de Galles ou la vie au Vietnam après la guerre —, les photos de Griffiths sont toujours expressives, humaines. Maître inégalé de la composition et du récit, ses images révèlent le sens profond des choses.

    Philip Jones Griffiths, Saïgon, 1968

    Très critique envers le libéralisme, le photographe voyait dans les guerres menées en Irak et en Afghanistan un prétexte pour "conquérir de nouveaux consommateurs".

    Philip Jones Griffiths, la prostitution durant la guerre, Saïgon, 1971

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