• Usul : créer une chaine YouTube pour changer le monde

    Lorsque Usul a décidé d'arrêter les chroniques sur les jeux vidéo pour commencer une nouvelle émission sur YouTube, "Mes chers contemporains", sa première chronique s'intitulait "La télévision... pourquoi pas ?" et dénonçait avec une ironie mordante le rôle abêtissant de ce média qui n'a généralement qu'un but "vendre à Coca-Cola du temps de cerveau disponible".

    Depuis il décortique avec la même verve mais de façon plus détaillée le pseudo journalisme que mène des personnes comme Pujadas, les dénonciations outrageuses de la presse par l'extrême-droite, le salaire à vie, etc.

    Dans une conférence à l'ENS de Lyon en novembre 2015, il expliquait que les Youtubeurs peuvent globalement se répartir en trois catégories :

    • les amuseurs, humoristes ;
    • les gens qui créent des tutoriels - par exemple sur les poireaux ! ;
    • les vulgarisateurs qui tentent de faire passer un savoir qu'ils n'ont pas produit pour former les autres.

    Usul se situe évidemment dans la troisième catégorie. Il fait "un travail d’éducation populaire, c’est-à-dire d’éducation avec des formes populaires". Son "rêve secret est que tout le monde vulgarise tout" à la condition d'apprendre sans cesse et de "vérifier ses sources" - mais sans doute est-il beaucoup trop optimiste quand il dit que les personnes de sa génération le font habituellement. Cet état d'esprit est logique puisqu'il veut "reconstruire un imaginaire politique positif, qui donne envie aux gens d’espérer, et de lutter". Le but d'Usul est de participer à la création d'"une société d'experts citoyens" difficilement manipulables et pouvant "réclamer le droit de prendre des décisions dans des tas de domaines [...] actuellement [confiés] à des experts dans lesquels on a de moins en moins confiance". Il s'indigne ainsi que l'on puisse faire un cursus scolaire jusqu'au baccalauréat sans avoir un seul cours d'économie alors qu'"on est dans une société de marché gouvernée par l'économie". Et quand on écoute Michel Rocard analyser en décembre 2012 le rôle des banques dans les origines de la dette des États, on ne peut que lui donner raison (petit rectificatif par rapport à la déclaration de Rocard : la loi ne date pas de 1974, mais de 1973).

    De fait, comme Usul l'indiquait dans une interview de février 2016 pour Les Inrocks, il a créé sa chaine parce que "la gauche critique avait déserté le terrain et  pour "utiliser au mieux [s]on espace de parole, pour remettre quelque chose dans le débat public qui a été oublié". Dans le portrait que lui consacre Rue 89 en 2015, on voit qu'Usul fait un parallèle entre la révolution de l’imprimerie et la révolution numérique  : "dans les deux cas, le « qui peut parler » a changé. Je pense que la parole de chacun va se libérer" même si ce n'est pas pour demain : "C’est vrai que quand on tape « féminisme » sur YouTube on tombe sur des hommes blancs qui disent que les féministes sont des connes. Les vieilles logiques de domination sont encore à l’œuvre sur Internet". Cela semble logique puisque les personnes qui s'expriment sur le net sont issues du monde réel : de l'IRL (In Real Life : dans la vraie vie) à l'URL (Uniform Resource Locator : adresse web et par extension le web), il n'y a qu'un pas.

    Ses documentaires qui font entre 20 et 50 minutes peuvent traiter des sujets de société généraux tels que la Génération Y ou BHL, mais même dans ces cas-là il développe une vision de gauche. Ses thèmes de prédilection sont les sujets liés aux médias et à l'économie puisque les "problèmes de capitalisme managérial, de rapport de production, [etc. le] passionn[ent]". Ainsi sa vidéo concernant BHL dénonce

    • les positions néolibérales de ce "nouveau philosophe" ;
    • son utilisation des médias digne d'un vrai "marketing", une sorte de "putsch intello-médiatique" qui a permis d'"occulter les vrais philosophes" ;
    • des journalistes "incultes" et/ou "paresseux" et/ou "cyniques ;
    • les dirigeants de télévision qui estiment les spectateurs incapables de supporter plus de 30 secondes de vraie réflexion (mais c'est la même chose à la radio : l'acteur André Dussolier a ainsi découvert qu'"aujourd'hui, quand il y a neuf secondes sans un mot, une machine lance de la musique parce que ça signifie qu'il y a une panne d'antenne"...), ce qui a conduit à "une rupture entre les intellectuels et le monde médiatique [...] désastreuse [...] : on agite, s'agite mais on ne pense plus : pas le temps ; le temps c'est de l'argent".

    Usul estime qu'il n'y a "pas besoin d’être trotskiste pour dire que notre démocratie est à l’agonie. Pour dire qu’on a besoin d’horizontalité dans une société trop verticale, dans les médias, dans les entreprises". Alors pour "changer le monde à [s]on échelle", il publie des vidéos sur

    • l'économiste et sociologue Frédéric Lordon qui publie régulièrement des articles dans Le Monde diplomatique - "le journal français le plus lu à l'étranger" - et fait partie des "économistes atterrés" qui "ne se résignent pas à la domination de l'orthodoxie néo-libérale". Lordon s'attaque à "la valeur travail" érigée comme une vertu cardinale et par conséquent à l'entreprise et à la "matrice intellectuelle du libéralisme" : le mérite de "l'individu responsable, méritant". Ainsi, il a entre autres créé la théorie de l'angle alpha qui mesure l'écart entre le désir d'un patron et celui des salariés et développé une vision déterministe de l'individu - les désirs de ce dernier ne dépendent pas de son libre-arbitre mais sont "le produit d'un parcours particulier qui l'a façonné". Cela ne l'empêche pas d'espérer de "nouvelles structures du capitalisme [conduisant les personnes] à se comporter de manière un peu différente" et non pas comme des hommes "contents de leur sort salarial" dont le seul objectif est de produire. Pour Lordon, le capitalisme préfère aliéner les salariés plutôt que les contraindre. Si permettre l'accès à "la consommation de masse" a permis d'obtenir des gens désirant travailler pour gagner de l'argent, la création de la "vertu travail" produit des salariés qui ont acquis "l'amour de la situation de travail". Alors certes Lordon a un discours parfois complexe, mais il a le mérite de remettre en question la doxa ambiante qui consiste à expliquer qu'il n'y a plus de classes sociales et pas d'autre choix que l'économie de marché et de rappeler que le programme de l'extrême-droite est "le parfait piège à cons pour les salariés et les classes populaires".

    • le salaire à vie qui va l'encontre de la pensée néo-libérale pour laquelle plus de croissance = plus d'emploi. Dans cette vidéo Usul propose la solution de L'économiste et sociologue Bernard Friot. Elle va plus loin que l'idée d'un revenu de base et remet en cause le marché du travail. En effet, si on continue à remplacer les travailleurs par des machines (ordinateurs, robots, voitures autonomes, etc.), de quoi vivront les salariés qui n'auront plus d'emploi ? Bernard Friot, comme Frédéric Lordon, critique l'aliénation capitaliste qui "impose le salariat comme la quasi unique solution d'accès à l'argent". Le revenu de base, que les Suisses ont rejeté lors de d'une votation en juin 2016, est une idée liée au chômage de masse : il faut bien que les gens puissent continuer à acheter les biens proposés par les entreprises. Pour Bernard Friot, c'est donc "la roue de secours du capitalisme". Il va plus loin avec le salaire à vie. Selon lui c'est viable puisque dans la fonction publique, le salaire est déconnecté du poste occupé. Selon lui, on pourrait donc étendre ce système à l'ensemble des citoyens pour sortir du "capitalisme qui est incapable d'organiser le travail sous une forme qui soit humaine et pour la société et pour les personnes" et donc pour qu'il n'y ait plus de "chantage à l'emploi". D'ailleurs, le secteur public coûte moins cher que le secteur privé - ce qui est évident quand on compare le coût du système de santé américain à celui du système de santé français. Il s'agirait donc d'élargir le système des cotisations sociales pour pouvoir rémunérer l'ensemble des salariés, y compris ceux qui n'ont pas un travail non reconnu - comme le travail domestique, à partir de 18 ans. Quant aux investissements privés et publics, ils seraient financés de la même manière. Il oppose ainsi la propriété d'usage à la propriété lucrative. Libérer le travail permettra selon lui une autre forme d'éducation permettant de former des citoyens plus autonomes et plus responsables.

    JT de France 2 : 22 mars 2016

    Ainsi lors des grèves de la fin 1995 contre le "plan Juppé" sur les retraites et la Sécurité sociale, un JT de France 2 a consacré 30 secondes à expliquer les raisons de la grève et 1 minute 30 aux conséquences négatives de celle-ci. Dans ce documentaire Usul dénonce aussi le complotisme d'extrême-droite, la "réduction de la politique à la communication", la "stratégie commerciale" qui établit une hiérarchisation des sujets sans "rigueur journalistique". Le but étant "d'apprendre à lire les médias" pour "savoir comment ils arrivent à orienter la vision du monde" des citoyens et d'espérer la création de "modes alternatifs d'information ouvrière".

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