• Des esthétiques particulières et fascinantes

    Il existe un certain nombre de films dont l'esthétique, tant celle des images que celle de la musique, se marie si harmonieusement à l'histoire qu'ils en sont fascinants. On peut les voir et les revoir à l'infini tant ils possèdent un pouvoir hypnotique hors norme et tant ils captent la vérité de l'âme humaine.

    Man with a Movie Camera, Mikhail Kaufman, 1929

    Petit florilège subjectif...

    Freaks, la monstrueuse parade (1932) de Tod Browning

    Cette fable fantastique et philosophique montre sans aucun voyeurisme des "monstres" qui sont exposés dans un cirque. Mais les monstres ne sont pas ces êtres difformes, mais les voyeurs, les égoïstes, les cupides, les brutes. L'horrible vengeance finale est filmée avec un lyrisme rarement atteint.

    Les Enfants du paradis (1945) de Marcel Carné

    Des acteurs tous plus magnifiques les uns que les autres - en tête Arletty avec sa gouaille parisienne, souvent moqueuse : "Paris est tout petit pour ceux qui s'aiment comme nous d'un aussi grand amour !", parfois grave : "Vous m'avez aidée à vivre pendant des années, vous m'avez empêché de vieillir, de devenir bête, de m'abîmer... Je me disais : tu n'as pas le droit d'être triste, tu es tout de même heureuse puisque quelqu'un t'a aimée" qui rend son personnage de Garance inoubliable ; mais aussi Jean-Louis Barrault en mime extraordinaire, Pierre Brasseur ou encore Maria Casarès. Des dialogues simples et beaux de Prévert. Des costumes et un Paris chatoyants. Une musique de Kosma qui accompagne une mise en scène où l'essentiel est de mettre en avant l'amour et la représentation.

    Le Grand sommeil (1946) d'Howard Hawks

    Un polar où ce qui compte n'est pas tant l'intrigue - ni le réalisateur, ni le scénariste William Faulkner, ni même le romancier, Raymond Chandler, ne savent pourquoi et comment est mort l'un des protagonistes - mais les relations entre les êtres, en particulier celles, extrêmement sensuelles, entre Marlowe et Vivian, c'est-à-dire entre Bogart et Bacall. Une histoire où les codes du film noir - rues sombres, privé en imperméable mouillé, caïd, hommes de main, nymphettes, femme fatale - sont au service d'une mise en scène et d'éclairages remarquables et sont servis par des dialogues qui font mouche à chaque fois.

    La Dame de Shanghai (1947) d'Orson Welles

    Un film noir atypique, à l'atmosphère onirique, qui analyse les ambivalences de l'âme humaine. "L'expérimentation visuelle fait naviguer les protagonistes entre l’onirisme et le surréalisme", écrit Matthieu Santelli. Une tragédie qui dénonce une Amérique où seul compte l'argent.

    Tous en scène (1953) de Vincente Minnelli

    "Le monde est une scène, la scène est un monde de divertissement", chantent l'ensemble des protagonistes de Tous en scène, résumant ainsi cette comédie musicale qui offre des moments à hurler de rire - les "Triplets" -, des morceaux d'anthologie comme celui du ballet reprenant tous les archétypes du film noir -  "Girl hunt" -, et des passages d'un romantisme rarement égalé - ainsi "Dancing in the Dark". Les costumes, les lumières, les cadrages, la mise en scène, le jeu des acteurs, les dialogues, les chansons sont parfaits. Et le tout est une belle réflexion sur l'art du spectacle et la difficile association du rêve et de la réalité.

    La Nuit du chasseur (1955) de Charles Laughton

    Un conte à l'esthétique magnifique - la lumière donne au noir et blanc des effets de contraste saisissants -, des enfants fuyant le mal incarné par un Robert Mitchum hallucinant, sauvés par une vieille dame du cinéma muet, Lilian Gish, une nature superbe et protectrice.

     

    Les Fraises sauvages (1957) d'Ingmar Bergman

    Le premier road-movie de l'histoire du cinéma qui raconte le voyage d'un vieil homme découvrant qu'il est passé à côté des autres et de la vie. Mais son parcours et ses rencontres lui permettent de retrouver un bonheur et une douceur perdus.

    Lucidité, sensualité, humour et beauté plastique d'une mise en scène limpide en font un film à revoir tout au long de sa vie.

    L'Éclipse (1962) d'Angelo Antonioni

    Antonioni parvient à montrer la solitude et l'impossibilité de l'amour en filmant en de longs plans l'espace et le quotidien banal. Une lumière surnaturelle baigne le film, le rythme lent est hypnotique, les cadrages, les compositions et les ellipses sont savamment construits. La lenteur du final rend la tristesse poignante du vide existentiel.

    Pierrot le fou (1965) de Jean-Luc Godard

    Road-movie où le bleu et le rouge dominent, où les références picturales, littéraires et cinématographiques abondent, Pierrot le fou est un film dont le héros "cherche un peu de beauté dans "un monde d’abrutis". Godard construit son film sur un antagonisme constant entre le désordre et la grâce, entre la violence et la sérénité" analyse Emmanuel Voisin.

    Playtime (1967) de Jacques Tati

    Un film où les gags burlesques s'enchaînent dans un monde géométrique et absurde. "Perfectionniste, Jacques Tati portait un soin maniaque à tout ce qui pouvait composer son plan : décors, costumes, jeu d’acteurs mais aussi le son, sur lequel Tati apportera moult innovations et découvertes tout au long de sa carrière. Révolutionnaire, véritable enjeu narratif et comique de son oeuvre, la bande-son façon Tati mise sur une musicalité des bruits et des ambiances qui remplace toute notion de dialogue. Bande-son qui participe de ce luxe de détails, enveloppée de plus par la délicieuse musique de Francis Lemarque", analyse Xavier Jamet.

    2001, l'Odyssée de l'espace (1968) de Stanley Kubrick

    Film métaphysique aux raccourcis saisissants, perturbants et sidérants. D'une beauté formelle rare, 2001 est un "film où s’unissent science et poésie, le réalisme de la première favorisant les éblouissantes attractions de la seconde", analysait un critique de La Croix. Il est porté par une virtuosité technique extraordinaire, un grand sens du suspense et la musique d'Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss.

    Johnny got is gun (1971) de Dalton Trumbo

    Le plus grand pamphlet pacifiste du cinéma laisse le spectateur muet d'émotion et de tristesse impuissante. Un film d'une pureté esthétique rare qui ne montre quasi que ce que vit le héros sur son lit d'hôpital - en noir et blanc - et ses pensées - en couleur. Bouleversant et d'une poésie rare quand Trumbo filme les rêves de Johnny.

    Solaris (1972) d'Andreï Tarkovski

    Un film de science-fiction par un réalisateur qui déteste ce genre et qui commence par de longs plans sur une nature filmée avec une sensualité rare. Un film sur la nostalgie. Un film sur l'impossible connaissance de soi et des autres.

    Aguirre, la colère de Dieu (1972) de Werner Herzog

    Des paysages somptueux et écrasants, des hommes fous et perdus d'avance dans ce décor grandiose. Une mise en scène au plus près de la nature et des personnages, avec des plans très stylisés et une bande-son qui plonge le spectateur au milieu de la jungle. Klaus Kinski a une interprétation hallucinée. "À la fois fiévreux, lancinant et à la lisière du fantastique, Aguirre, la colère de Dieu est un film en état de grâce, comme il en existe fort peu. Une expérience inoubliable", s'extasie à juste titre Virgile Dumez.

    Amarcord (1974) de Frederico Fellini

    Hommage au cinéma, histoire rêvée de l'enfance de Fellini, Amarcord sublime cette période dominée par un esprit fasciste mesquin. La lumière est magnifique et la musique de Nino Rota emporte le spectateur.

    La Double vie de Véronique (1991) de Krzysztof Kieslowski

    Un film envoûtant à la beauté fascinante où l'amour triomphe de l'art. "Kieslowski dans ce film expérimente réellement avec la lumière avec l’aide du brillant Slawomir Idziak. La Double vie de Véronique est souvent à la limite du surnaturel dans ses teintes audacieuses, faites de verts et de jaunes qui imprègnent le film d’une irréalité sensible, douce. Film d’images mais aussi de son grâce à la fameuse partition de Zbigniew Preisner (signée sous le pseudonyme Van Den Budenmayer), et emportée par la voix de Véronique. S’il avoue lui-même n’avoir aucun sens du rythme musical, Kieslowski a néanmoins laissé Preisner imbiber le film de ses accords, puissants, exagérément beaux et qui contribuent à faire de Véronique une expérience sensible, quasi-sensuelle, un amalgame de sensations pures", explique Liam Engle.

    Mulholland drive (2001) de David Lynch

    Un puzzle fantastique où la beauté des images de David Lynch et de la musique d'Angelo Badalamenti fait écho à celle des actrices. Un rêve somnambulique et hypnotique où la décomposition de la vie, des êtres et des sentiments est contrebalancée par la douceur d'une nuit d'amour.

    La Danza de la realidad (2013) de Alejandro Jodorowski

    Un film entre autobiographie et rêve où la danse de la réalité permet au vieil Alejandro de veiller sur l'enfant qu'il était. Chaque plan est d'une créativité rare et l'ensemble forme un film foutraque qui montre que le surréalisme n'est pas mort, non plus que la poésie et l'humanisme.

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