• Des films qui font du bien (2) - quelques comédies dramatiques

    Quand on envie que le quotidien nous fasse sourire, rien de tel qu'une comédie dramatique qui traite de l'amour, de la mort, des problèmes d'argent, etc. avec des touches d'humour et une fin forcément positive : si le désespoir n'est jamais bien loin, il reste pudiquement en retrait.

    Little miss Sunshine

    Évidemment il y a Les Temps modernes (1936) de Charlie Chaplin qui dénonce avec un humour fou l'abrutissement des ouvriers par un patron et des ingénieurs inhumains, la police qui poursuit les pauvres au lieu de les défendre, le chômage de masse et la misère liés à l'exploitation de la masse par quelques privilégiés capitalistes. Tout le monde connait des images de ce film burlesque, un des derniers qui soit quasi muet : le générique qui identifie clairement les hommes à des moutons, Charlot pris dans l'engrenage d'une machine monstrueuse (les frères Dardenne le comparent à la "pellicule prise dans les engrenages de la caméra : ça c'est un film du cinéma"), la danse chantée dans une langue qu'improvise Charlot, ou bien encore la fin heureuse montrant Charlot et la gamine partant main dans la main sous le soleil. Chaplin les voyait comme "les deux seuls esprits vivants dans un monde d’automates. Nous sommes des enfants sans aucun sens des responsabilités, alors que le reste de l’humanité est accablé par ses devoirs. Nous sommes libres en esprit."

    Sourires d'une nuit d'été (1955) est une des rares comédies qu'Ingmar Bergman ait tournée, mais c'est une réussite. Il s'agit d'un vaudeville champêtre et ironique où femmes, maris, futurs amis et ex-maîtresses s'affrontent, se séparent ou se retrouvent une nuit de Saint-Jean. Comme toujours chez Bergman, le point de départ est sérieux, à la limite de la tragédie : "la conscience effarante qu'on puisse s'aimer et qu'on ne puisse pas pour autant vivre ensemble". Mais pour une fois ce constat donne lieu à une réponse amusée, faite de chassés-croisés pleine de rythme et d'humour grinçant qui dénonce l'hypocrisie du mariage bourgeois : "Si l'amour est un mal, dit une des héroïnes, vive le mal !"

    La Mort aux trousses, 1959, sans doute le meilleur film de Hitchcock pour se rendre compte que ce réalisateur a toujours réalisé des films pour le plaisir de son public. Bien qu'il s'agisse d'un film d'espionnage montrant le peu de cas que l'on fait des individus, l'humour est toujours présent - ah ! les dialogues entre Roger et sa mère ! La sexualité comme souvent chez Hitchcock est toujours latente - il suffit de repenser aux nombreux sous-entendus d'Eva quand elle déjeune pour la première fois avec Roger ou à la scène finale. Et pour couronner le tout, l'action est trépidante dès le début du remarquable générique. Les scènes d'anthologie se succèdent, chacune montrant la virtuosité et la maitrise d'un réalisateur dont le mot d'ordre était qu'un "cinéaste n’est pas censé dire les choses, il est censé les montrer" : la conduite en état d'ivresse, le meurtre au siège des Nations unies, la fameuse scène de l'avion où Hitchcock prend à contre-pied les poncifs des scènes de suspens censées se dérouler la nuit dans une ruelle et mène une "direction de spectateur" de main de maitre, la scène lors de la vente aux enchères, la course-poursuite sur le Mont Rushmore et son enchainement avec la scène finale. Magistral et réjouissant.

    Diamants sur canapé (1961) de Blake Edwards est un film très drôle, même si les personnages sont désespérés : l'héroïne, Holly, est incapable d'accepter l'amour et fuit sans cesse de peur d'être blessée encore une fois ; quant à son nouveau voisin, Paul, il hésite entre l'argent facile et l'amour. C'est Audrey Hepburn qui interprète holly avec une grâce inégalable. Certaines scènes comme la party chez Holly ou la visite dans le magasin Tiffany's sont à hurler de rire et côtoient d'autres moments plus mélancoliques tels que la première au petit matin dans une rue new-yorkaise étonnamment vide.

    Claude Lelouch dans La Bonne année (1973) met en scène une rencontre improbable entre un truand peu cultivé mais au charme fou (Simon remarquablement interprété par Lino Ventura, toujours crédible, même en vieillard) et une antiquaire, bourgeoise raffinée (Françoise que joue Françoise Fabian, parfaite comme toujours). Leurs paroles sur l'amour sont d'une justesse rare. Comme souvent chez Leouch, on commence par un flash-back et pour une fois, c'est le passé qui est en couleur. Logique, d'une certaine manière, puisque c'est le passé qui a permis à Simon de supporter son séjour en prison. Un film plein de charme qui a en outre le culot de défendre les films de son propre réalisateur, en particulier  Un Homme et une femme.

    Star Wars, épisode IV : Un nouvel espoir, Georges Lucas (1978) : quand Star wars dénonçait l'impérialisme américain et n'était pas encore vendu à Dysney. Quand l'action et les effets spéciaux (qui ont fort peu vieilli, grâce en partie aux images numériques ajoutées en 1997) n'empêchait pas l'humour... Le début de la légende.

    Le Dernier métro de François Truffaut (1980) est un film romanesque d'une rare justesse sur l'Occupation française et l'antisémitisme dans les médias même si l'humour des dialogues et des situations désamorce la tension des passages quasi documentaires sur cette période très noire. Il présente un univers où vie et théâtre sont intrinsèquement liés - la scène finale le démontrant avec brio. À cela s'ajoutent des scènes très justes sur la vie de couple, entre complicité, exaspération et désir encore présent. Une pléiade de bons acteurs et un couple de cinéma superbe - Deneuve et Depardieu - participent grandement au charme de ce film.

    Priscilla, folle du désert (1994) de Stephan Elliott : Priscilla, c'est le bus dans lequel deux travestis, Felicia et Mitzi, et une transsexuelle, Bernadette, font une tournée dans des bleds paumés d'Australie et sillonnent des pistes sablonneuses. Très beau esthétiquement - les scènes dans le désert font rêver -, extrêmement bien joué et possédant un humour outré qui ne frôle jamais ni la vulgarité ni la caricature, ce film est une sorte d'ovni.

    Quatre mariages et un enterrement : le film à l'humour très anglais de Mike Newell, sorti en 1994, est sans doute une des meilleures comédies romantiques, grâce à ses dialogues ciselés, à ses excellents acteurs et aux personnages plus mélancoliques qu'ils ne paraissent de prime abord. Impossible après ce film de ne pas penser au poème d'Auden, Funeral Blues, lorsqu'un proche meurt. Impossible également de voir des femmes dans certaines robes de mariée sans entendre Fiona (Kristin Scott Thomas) dire : "elle a l'air d'une grosse meringue !"

    Noces funèbres (2005) voit le retour en pleine forme de Tim Burton qui nous montre une société victorienne glaçante et glacée, troublée par un véritable coup de foudre et par la mort où il fait nettement meilleur vivre ! D'où un monde des vivants aux couleurs spectrales alors que celui des morts est bariolé. On retrouve cet esprit gothique dans le dernier opus de Burton, le très bon Miss Peregrine et les Enfants particuliers (2016).

    Little miss sunshine réalisé par Jonathan Dayton et Valerie Faris en 2006 est un road movie qui montre une famille américaine qui met en scène avec beaucoup d'humour les travers de l'american way of life : le père rêve faire publier son livre Parcours vers le succès alors qu'il ne rencontre que des échecs ; la mère est débordée ; l'oncle est un homosexuel intellectuel suicidaire ; le grand-père est certes un vétéran de la Seconde Guerre mondiale, mais obsédé sexuel, vulgaire et héroïnomane ; le fils pour intégrer l'Académie de l'US Air Force a fait vœu de silence et broie du noir ; la fille, boulotte, rêve de participer au concours de beauté "Little Miss Sunshine". Mais loin d'être un jeu de massacre, ce film est un hymne à l'entraide malgré la mésentente, en témoigne en particulier les nombreux démarrages poussés du vieux van jaune de cette famille de losers bien plus attachants que les gens "normaux".

    Le Nom des gens de Michel Leclerc, sorti en 2010, est un film revigorant car traitant de sujets difficiles - l'identité, la mémoire, le silence des martyrs, l'héritage des enfants, les étiquettes accolées aux gens - de façon décalée, voire absurde. Bahia Benmahmoud, impressionnante Sara Forestier, est une jeune femme extravertie, pleine de vitalité, qui couche avec les hommes de droite pour les convertir ; Arthur Martin, Jacques Gamblin, parfait, est un homme coincé, prudent et jospiniste. Comme toujours dans les comédies, ils sont fait pour se rencontrer. Ce film très engagé, que Le Figaro a qualifié de "comédie de gauche très adroite", est souvent hilarant. Il est aussi très romantique, voire poignant par moment - par exemple quand la mère d'Arthur qui a passé sa vie à occulter la déportation de ses parents va refaire ses papiers d'identité et qu'une employée zélée de la mairie lui hurle "Est-ce que vous êtes bien française, madame Martin ?"

    La Part des anges (2012) : après un début qui rappelle durement la condition d'une partie importante de la société, celle  des paumés, des jeunes délinquants, Ken Loach vire du côté de la rédemption et de la comédie et cela fait un bien fou. Le bagou et le naturel des comédiens, filmés avec empathie, contribuent grandement à la réussite de cette échappée belle de quatre jeunes condamnés à des travaux d'intérêt général vers l'Écosse et les whiskys grands crus.

    The Grand Budapest Hotel (2014) est un film raffiné rempli de clins d'oeil de Wes Anderson. Il rend un hommage plein de rebondissements à un cinéma disparu qui "entretenait l’illusion avec une grâce merveilleuse" comme le dit le personnage Zero Moustafa. En témoigne l'affiche - en particulier la version interactive - qui oscille entre kitsch assumé et rêverie cartoonesque éveillée. Wes Anderson a créé un conte qui se déroule à cent à l'heure dans une Europe se délitant lors de l'ascension du fascisme. La mise en scène, l'esthétisme, le rythme, le sens du burlesque et des surprises qui s'enchainent dans un récit spiralaire, une galerie de personnages romanesques font de ce film un bijou d'inventivité, mais aussi un hymne pudique à l'humanisme.

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