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Des films qui font du bien (1) : quelques drames
Quand on désire voir des films qui font du bien, on pense rarement aux drames. Et pourtant, certains montrent que le pire n'est pas toujours sûr et qu'il ne faut pas désespérer de l'homme...
Peter Ibbetson d'Henry Hathaway (1935) est une histoire dans laquelle l'amour vainc tout, même l'emprisonnement et la mort. L'absence de transition entre la vie quotidienne des deux amants, qui s'aiment et se chamaillent depuis leur enfance, et leurs rêves transfigure la réalité. Un magnifique noir et blanc, une absence de pathos et une sublimation de la vie rendent ce film subjuguant.
Horizons perdus (1937) de Frank Capra : un très beau film sur un univers paradisiaque perdu dans l'Himalaya, découvert par hasard suite à un détournement d'avion, sur un monde où malgré tout, l'utopie est possible - en particulier car la modération est enseignée dans tous les domaines, sauf celui de la joie, et sur la quête éperdue du rêve : "J’y crois parce que je veux y croire" dit à la fin un personnage portant un toast au héros - l'héroïne de Peter Ibbetson demandait à son amant "Tu dois le croire Peter, c'est notre unique chance. Ne demande pas pourquoi. Crois !".
Casablanca de Michael Curtiz (1942) : si le spectateur se demande jusqu'à la dernière seconde si Ingrid Bergman va partir avec Humphrey Bogart ou Paul Henried, les acteurs - tous excellents - se sont posé la même question jusqu'au dernier jour de tournage ! C'est entre autres grâce à cette spontanéité que ce mélodrame fascine. Les dialogues ciselés oscillent entre humour, cynisme, patriotisme et amour ; les nombreux clairs-obscurs de ce film traduisent la part d’ombre des personnages. et la musique est très belle : "Play it again, Sam".
Toujours de Capra, La Vie est belle, tourné en 1946. Loin d'être mièvre, ce film humaniste révèle au héros Georges Bailey, qui hésite à se suicider, à quel point il est important pour les autres. Par ailleurs, c'est un portrait très fin de l'Amérique dans ce qu'elle a de meilleur mais aussi de pire : "Le rêve américain, ce n’est pas l’argent, mais le bonheur et la liberté", disait Capra.
L'Aventure de Madame Muir (1947) de Joseph Mankiewicz est l'un des films les plus oniriques qui soient. Madame Muir, femme libre, tendre et ironique, tombe amoureuse d'un marin bourru, misogyne et... mort depuis longtemps. Entre tendresse, humour et mélancolie, une magnifique histoire d'amour atemporelle à la beauté visuelle envoutante.
La Nuit du chasseur, tourné en 1955, est l'unique film de Charles Laughton. Pourtant sa mise en scène touche à la perfection et la poésie onirique qui s'en dégage n'est à nulle autre pareille : "Tout le cinéma en un film. La Nuit du chasseur est l’un des films les plus étranges et les plus beaux du cinéma américain. [...] Film hors norme, La Nuit du chasseur traverse tous les genres, mais ne se plie à aucun en particulier, [...] alternant les styles et les figures, [...] inventant un temps paradoxal qui est autant celui de la flânerie mythologique que celui du film policie", écrivait le critique Serge Daney. "LOVE" et "HATE" se combattent, et le diable qui poursuit deux orphelins pour voler leur argent a le pire des déguisements : celui d'un prêcheur. Mitchum est effrayant dans ce rôle surtout quand, la nuit, il chante de sa voix suave...
Ordet (la parole) de Carl Theodor Dreyer réalisé en 1955 : qu'on soit croyant ou pas, ce film est extraordinaire, tant par la beauté, que par l'intensité d'une histoire de famille simple dont l'un des membres se prend pour le Christ.
12 Hommes en colère de Sidney Lumet (1957) : un magistral huis clos au suspense haletant qui démontre que malgré tout le pire n'est pas toujours à craindre avec les hommes. C'est par ailleurs un film toujours d'actualité concernant les dysfonctionnements de la justice et, surtout, un plaidoyer pour le droit au doute.
L'Homme qui tua Liberty Valance (1962) de John Ford : "quand la légende est plus belle que la réalité, on imprime la légende", dit le journaliste qui refuse de publier le véritable nom de l’assassin de Liberty Valance. Or, ce film fait le contraire : il montre l'envers du décor des westerns : un univers où dominent des truands sans foi ni loi qui tentent d'éliminer ceux qui peuvent leur nuire : des hommes de loi, des politiques, mais aussi et surtout ceux qui éduquent le peuple : des instituteurs et des journalistes. John Wayne, James Stewart et Lee Marvin sont excellents et les dialogues brillants, tout comme la mise en scène.
La Nuit de l'iguane est un film de John Huston réalisé en 1964. Entre rires et moments d'une détresse infinie, demeure la tendresse de l'amitié et de l'amour qui retient les êtres au bord du précipice. Richard Burton et Ava Garner sont d'une beauté lasse et sensuelle touchante.De l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites de Paul Newman (1972) : très beau film humaniste qui raconte la vie difficile d'une mère qui élève seule ses deux filles. Si le mot d'ordre de la mère est la méfiance, ses filles s'ouvrent néanmoins aux autres et au monde.
Gloria a été filmé en 1980 par John Cassavetes - réalisateur indépassable pour mettre à nu les humains et révéler leur petitesse mais surtout leur grandeur. Gloria, une femme volontaire et égoïste, c'est Gena Rowlands, magistrale comme toujours. Son partenaire est le petit John Adames, d'une rare justesse dans ce rôle d'enfant qui tente d'imiter les hommes durs et machos alors qu'il n'a qu'une envie : se pelotonner contre une mère de substitution. Et puis, dès le premier plan il y a New-York : "la caméra survole le pont de Brooklyn puis celui de Manhattan avant de s'enfoncer dans le Bronx où débute l'action du film. Un mouvement qui est une plongée au cœur de l'Amérique, celle des oubliés de l'american way of life", explique Olivier Bitoun.
La Fleur de mon secret de Pedro Almodóvar sorti en 1995 est un vrai mélo qui ose tout pour rendre compte avec justesse des sentiments extrêmes qui ravagent Leo - Marisa Paredes, parfaite en femme folle de chagrin parce que délaissée par l'homme qu'elle adore. Comme toujours chez Almodóvar la bande son est en totale adéquation avec son sujet.Persepolis de Marjane Satrapi (2007) : un film d'animation où tous les genres se mélangent, parfois même au sein d'une même scène. Des dégradés de gris splendides, des voix extrêmement bien choisies, des dessins simples et justes au service d'une autobiographie qui rend compte du quotidien et de l'Histoire avec sa grande hache.
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Bird people, réalisé en 2014 par Pascale Ferran, raconte deux histoires en parallèle : celle d'un homme d'affaires américain qui veut tout arrêter et celle d'une jeune femme de chambre qui tente d'échapper à l'aliénation. Un film extrêmement réaliste - rarement les gens dans le métro auront été si justement filmés, rarement une scène de rupture aura atteint une telle intensité - et en même temps absolument fantastique à travers un épisode féerique d'une beauté rare.
Carol de Todd Haynes (2015) : un film magnifique qui met en scène avec une très grande justesse les premières fois d'une histoire d'amour : le premier regard, les premières paroles, le premier coup de téléphone, le premier repas, le premier tour en voiture, la première dispute, la première fois que l'on touche l'autre, le premier baiser, la première nuit... Le tout sublimé par deux actrices au diapason, Cate Blanchett et Rooney Mara, par une magnifique photographie avec des cadrages qui évoquent Saul Leiter et Edward Hopper, par des costumes et des décors à la fois justes et beaux et par une musique qui traduit cet amour ardent - ainsi "Easy Living" interprété par Billie Holiday. Ce film est aussi une réflexion sur les années 50.
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Tags : films dramatiques, humanisme, rêve, drame, mélo, faire du bien
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