• Brève histoire de la presse

    « Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur » dit Figaro, le personnage de Beaumarchais dans Le Mariage de Figaro (XVIIIe siècle).

    La presse lors de la Révolution de 1789

    « La communication se donne alors que l'information se mérite, s'arrache ou se vend », écrit Daniel Bougnoux, philosophe de la communication.

    DES DÉBUTS À LA GAZETTE

    L'Homme a toujours eu besoin d'information sur le monde qui l'entoure.

    Les acta diurna des romains sont les premières publications qui s'approchent du nom de journal. Ils sont distribués dans les lieux publics de l'ensemble de l'Empire Romain. Si l'on veut avoir une idée de la façon dont les Romains s'informaient, la série Rome est intéressante.

    Les ancêtres des journaux sont des troubadours du Moyen-Âge ou des crieurs publics. Les évènements sensationnels, les nouvelles politiques et militaires sont relatés.

    De verbale, l'information s'organise :

    • un système de coursiers est mis en place dans l'Empire Mongol de Genghis Khan au XIIe siècle ;
    • progressivement, les écrits manuscrits se répandent en Europe à partir de la fin du XIIIe siècle. Le commerce a besoin d'informations. Les commerçants et les banquiers informent donc leurs comptoirs. Ce développement est possible grâce à la fabrication du papier qui est connue en Europe à partir du XIe siècle et à la constitution d'un réseau de postes ;
    • et surtout, Gutenberg invente l'imprimerie vers 1430. De minces brochures (« les occasionnels ») se vendent d'abord dans les villes, puis dans les campagnes via les colporteurs. Les sujets sont les affaires de cour, les cataclysmes, les monstres... La recherche du sensationnel prédomine. Ces journaux prennent le nom de « canards » et garderont leur popularité jusqu'au début du XIXe siècle .

    Gutenberg et une imprimante

    Mais pour suivre l'actualité, il faut des publications plus rapprochées. Théophraste Renaudot  avait compris ce besoin. Avec le soutien de Richelieu, qui dirige l'État, il lance la feuille d'information hebdomadaire : par privilège royal du 16 mai 1631, il publie « La Gazette ». Ce journal atteint 1.200 exemplaires en 1638. Son apport est capital car il invente l'éditorial et préfère les faits aux commentaires sensationnels. Par ailleurs, La Gazette sera l'organe officieux du pouvoir, Louis XIII y écrira régulièrement et il expliquera : « Je ne vous donne pas une histoire accomplie mais de l'étoffe pour la faire ».

    LA PRESSE ET L'ÉTAT

    À peine née, la presse doit faire face au pouvoir politique qui s'en méfie et désire donc la contrôler, en douceur ou par la force.

    La Gazette, Le Journal des Savants, Le Mercure Galant sont les trois titres autorisés sous Louis XIV (plus quelques titres de presse spécialisés en médecine ou en droit).

    Les trois titres autorisés sous Louis XIV

    Potins, rumeurs indiscrètes ou critiques passent de main en main par des publications clandestines qui échappent à la censure.

    Placard sur une tentative d’assassinat : « Histoire mémorable et veritable recit de ce qui s’est faict et passé à l’assassinat commis en la personne du baron de Sainct Eglan... » le 29 octobre 1650 ; BnF

    Les cabinets de lecture ou les espaces de lecture publique témoignent de la passion de l'information ou du goût de la discussion. La censure devient de plus en plus délicate. Au XVIIIsiècle, en cette période des Lumières, les Philosophes, s'ils regrettent le manque de recul de l'information ou la faiblesse de la réflexion, affirment l'importance de présence d'une presse libre. Ainsi Voltaire déclare à propos d'Helvetius : « je n’ai jamais approuvé ni les erreurs de son livre, ni les vérités triviales qu’il débite avec emphase. J’ai pris son parti hautement, quand des hommes absurdes l’ont condamné pour ces vérités mêmes. »

    Pendant la Révolution française, la presse jouit d'une liberté quasi-illimitée de 1789 à 1792. En 1789, l'article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen affirme : « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement (...) ». Mais à partir de la Terreur, en 1793, la presse française est à nouveau contrôlée par le gouvernement : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté », dit Saint-Just.

    Aux États-Unis, la liberté de la presse est garantie par le premier amendement de la Constitution ratifié en 1791. Il fait partie des dix amendements et connus collectivement comme la Déclaration des Droits (Bill of Rights). Le Congrès ne peut voter de lois limitant la liberté de la presse. Il y est écrit « Le Congrès ne fera aucune loi pour conférer un statut institutionnel à une religion, (aucune loi) qui interdise le libre exercice d'une religion, (aucune loi) qui restreigne la liberté d'expression, ni la liberté de la presse (...). »

    Napoléon, après son coup d'État du 18 brumaire de l'an VIII (1799), reprend en main le contrôle de la presse. Il supprime alors une soixantaine de journaux et rétablit l'autorisation préalable de publier. En 1811, il ne reste que quatre quotidiens à Paris.

    Qu’est-ce que la presse apporte à l’exercice de la démocratie ? Pour que chaque individu soit en mesure d’exercer son droit à gouverner, il faut créer les conditions d’une libre délibération. Alexis de Tocqueville, lorsqu’il observe la vie de la toute jeune démocratie américaine, dans les années 1830, découvre une presse qui remplit cet office mais dont la liberté l’étonne et l’effraie. « En Amérique, comme en France [la presse] est cette puissance extraordinaire, si étrangement mélangée de biens et de maux, que sans elle la liberté ne saurait vivre, et qu’avec elle l’ordre peut à peine se maintenir. […] [La presse] fait circuler la vie politique dans toutes les portions de ce vaste territoire. C’est elle dont l’œil toujours ouvert met sans cesse à nu les secrets ressorts de la politique, et force les hommes publics à venir tour à tour comparaître devant le tribunal de l’opinion. C’est elle qui rallie les intérêts autour de certaines doctrines et formule le symbole des partis ; c’est par elle que ceux-ci se parlent sans se voir, s’entendent sans être mis en contact. » Ce modèle vaut pour l’Amérique du XIXe siècle sans pouvoir être appliqué à la France qui est alors soumise à la censure.

    En 1881, la loi sur la liberté de l'information affirme quelques libertés mais instaure également les délits de presse (tels que l'offense à la personne du président de la République, l'injure ou encore la diffamation : ce sont donc des délits contre la chose publique ou contre les personnes...). Grâce à cette loi, la presse dispose du régime le plus libéral que la France ait jamais connu. En effet, cette loi engendre la suppression de l'autorisation préalable, du cautionnement et du timbre comme le déclare l'article 5 : « tout journal ou écrit périodique peut être publié, sans autorisation au préalable, et sans dépôt de cautionnement... », ce qui réduit les lourdes charges financières dont étaient victimes les journaux et favorise l'apparition de nouvelles publications.

    Elle est particulièrement présente lors des guerres : la 1ère Guerre mondiale la rétablit. Néanmoins, en 1917, il y a une exposition consacrée aux caricatures liées à cette guerre. La censure a néanmoins continué d'exister en France.

    La censure repésentée en 1874 par Gill sous la forme d'Anastasie avec ses grands ciseaux et la chouette qui symbolise l'obscurantisme ; affiche de l'exposition de 1917

    Évidemment, elle reprend de plus belle durant la 2ème Guerre mondiale puisque la France n'est plus un État démocratique, mais aussi lors de la guerre d'Algérie (1954-1962). Lors de ces périodes, les articles, dessins et photos censurés ont fréquemment été remplacés par des « blancs » (Le Canard enchaîné, créé en 1915, a dû se débattre contre la censure en adoptant son ton ironique pour la détourner, de nombreux articles, même anodins, étant censurés). Lors du régime de Vichy, les directeurs de journaux recevaient de l'autorité compétente des consignes sur les informations à mettre en évidence en première page, à éliminer, ou à réduire à l'état d'entrefilets dans les pages les moins lues. Pour la guerre d'Algérie, le pouvoir innova et décida de saisir les journaux (notamment ceux qui évoquaient les actes de torture) sous le prétexte d'« atteinte au moral de l'armée ».  

    LES TECHNIQUES ET LES PROGRÈS

    L'essor de la presse au XIXe siècle est indissociable de l'évolution des techniques :

    • en 1795, l'anglais Stanhope invente la presse entièrement métallique, première machine industrielle, augmente considérablement la production journalière ;
    • en 1816, Koenig & Bauer mettent au point la presse à retiration qui permet le recto/verso et imprime 11000 journaux à l'heure ;
    • en 1860, Coverley & Mac Donald inventent la rotative qui se modernise et se perfectionne rapidement. Dans les rotatives de la seconde génération, apparues dès 1866, le papier lui-même est monté sur bobines ;
    • en 1866, grâce à la presse de Bullock, les tirages montent à 20000 feuilles à l'heure ;
    • puis à 50000 dès 1872 avec la presse de Marinoni.

    Presse Stanhope (1795) et rotative Marinoni (1872)

    Parallèlement, les moyens de communications s'améliorent et se développent (télégraphe, train, téléphone).

    Des agences de presse naissent, avec la présence de correspondants dans chaque pays (Havas (A.F.P.) en France, fondée en 1835 ; Associated Press (AP) aux États-Unis, fondée en 1848 ; Reuters au Royaume-Uni, fondée en 1851). Ces trois agences existent toujours et font partie des trois plus célèbres agences de presse mondiales et généralistes. Actuellement, elles offrent, en temps réel, à toutes les radios, télévisions, sites internet et journaux de tous pays une couverture de l'actualité sur l'ensemble de la planète et dans tous les domaines de l'information : sport, justice, économie, politique, faits-divers, culture, vie pratique.

    Le métier de journaliste connaît une évolution vers 1885 avec l'émergence du modèle rédactionnel anglo-saxon et d’une professionnalisation de la transmission de l’information. Les figures du journaliste, puis du grand reporter, apparaissent, ainsi que des formes nouvelles, comme l’interview. Le journalisme devient alors un métier qui s'appuie sur des principes (précision, concision, objectivité...). Ces règles vont définir la presse d'information qui s'oppose à la presse d'opinion.

    La presse devient un pouvoir et un contre-pouvoir, appelée le « quatrième pouvoir », et comble les attentes du public pour les idées nouvelles ou les événements importants.

    L'ÂGE D'OR DES JOURNAUX

    Au cours du XIXe siècle, la presse se développe en France et devient un canal d’information de masse. De nouveaux dispositifs économiques et des formes éditoriales inédites bouleversent les modalités de la communication. Ainsi nomme-t-on « Civilisation du journal » la période qui court de la monarchie de Juillet (1830-1848) à 1914. Concentrée sur les « grands boulevards » parisiens, la vie qui émane des journaux se répand dans les rues par le biais de crieurs, des brasseries où de célèbres chroniqueurs tels Alphonse Karr animent des débats en prise directe avec l’actualité. De ce fait, les grandes entreprises de presse se créent de 1830 à 1914. Mais elles doivent faire face à un problème : si les journaux se lisent beaucoup, ils se vendent peu.

    1836 : La Presse : premier journal à faire appel à des annonceurs afin de diminuer le coût de l’abonnement. Néanmoins, il finit par être vendu à moitié prix, l'augmentation du nombre des lecteurs compensant cette baisse du prix de vente (procédé repris par France Soir, sans succès puisque le 13 décembre 2011 ce journal ne paraît plus dans les kiosques, mais seulement sur Internet).

    1863 : Le Petit Journal est lancé. Il atteint le million d'exemplaire quotidien au début des années 1890. Sensationnel, brèves, faits-divers et feuilleton captivent les lecteurs. Incapable de s’adapter à l’évolution du monde, il disparaîtra finalement en 1944.

    Le Petit Journal, 1892, arrestation de l'anarchiste Ravachol

    1898 : L'Aurore publie l'article « J'accuse » d'Émile  Zola lors de l'affaire Dreyfus. 300.000 exemplaires sont vendus en quelques heures (contre les 20.000 à 30.000 de moyenne).

    "J'accuse", Émile Zola, 13 janvier 1898

    La diversification des lectorats des journaux contribue à leur évolution : maquettes aérées, illustrations (gravures et dessins, photographies ensuite), rubriques, augmentation de la pagination, régularité des sorties, qualité des papiers et des encres, publicité... Les principaux journaux se dotent d’un appareil complet incluant imprimerie, portage, transmission, correspondants. Le journal s’adresse désormais à toutes les classes sociales, propose jeux ou feuilletons et couvre les faits divers. La presse est redoutée des politiques. La culture du journal est à son apogée : après le premier conflit mondial, la presse ne retrouvera jamais le même niveau de diffusion et d’influence.

    L'IMAGE PREND LE POUVOIR

    Le progrès des techniques permet à la photo, à la radio et à la télévision de concurrencer d'abord puis de bouleverser les structures de l'information. La photographie a un succès immédiat : elle a un fort impact immédiat, un grand potentiel émotionnel.

    Ce pouvoir de l'image est très visible dans le titre du journal lancé en 1843 :  L'Illustration. Cet hebdomadaire destiné à un public aisé est largement illustré.

    1858

    En 1924, le premier journal parlé est lancé à partir de l'émetteur de la Tour Eiffel. Ce nouveau médium possède un énorme avantage : le caractère instantané de la transmission des nouvelles.

     En 1949, le premier journal en image regroupe 10.000 spectateurs.

    Après la 2ème Guerre mondiale, des agences spécialisées dans le domaine de l'image se constituent : Magnum (fondée par Henri Cartier Bresson, Robert Capa... en 1947), Gamma (fondée par Depardon, Lattès... en 1966), Sygma (fondée par Henrotte en 1973, dépôt de bilan en mai 2010).

    Voici deux exemples d'images d'actions pacifistes ayant fait le tour du monde :

    Manifestante pacifiste contre la guerre du Vietnam, Marc Riboud, 1967 ; Place Tienanmen, Pékin, arrêt momentané de répression de la révolte étudiante, Arthur Tsang Deng/Reuters, 5 juin 1989

    À partir des années 1980, l’image devient prédominante dans tous les pays industrialisés. Avec l'apparition de la télévision, la présentation des informations change : progressivement, la télévision pratique une théâtralisation de l'information qui modifie le rôle du journaliste et celui du public. La réaction de la presse écrite se fait en travaillant la proximité et particulièrement le fait divers de proximité (ce que fait aujourd'hui la radio). Les images sont une arme à double tranchant. En effet, un événement n'existe actuellement que s'il est présenté au journal télévisé, voire commenté sur internet.

    Il suffit pour s'en rendre compte de voir l'indifférence concernant la famine qui a touché la Corne de l'Afrique de août 2010 à début 2012. La sécheresse qui a frappé la Somalie, le Kenya, l’Éthiopie, Djibouti, le Soudan et l'Ouganda, était la pire que cette région ait connue depuis soixante ans. Elle a fait des dizaines de milliers de morts et a concerné plus de 10 millions de personnes. Mais comme il n'y avait pas d'image, presque personne n'en a parlé et personne ne fait de dons, pas même les États.

     

    Dessin de EG181

    Internet a largement pris le relais de la télévision pour diffuser des images d'information. Mais on constate que, quel que soit le support, les manipulations de l’information sont fréquentes : sans images, pas d’émotions. Et il est très facile de manipuler le grand public en jouant sur ses réactions émotionnelles.

    Une photo ou une vidéo ne reflète pas un événement mais un instant précis et souvent choisi. De plus, les photomontages et les trucages, s’ils ne modifient pas l’Histoire, peuvent concourir à manipuler l’opinion publique. De ce fait, la recherche du scoop à tout prix peut conduire à des dérives.

    Ainsi, lors de la révolution roumaine de 1989 avec l'affaire des faux charniers de Timișoara. C'est une affaire médiatique, abondamment commentée en France, qui a pour cœur la campagne de presse particulièrement exagérée des événements survenus en Roumanie en décembre 1989, lors de la chute du régime Ceaușescu. Les médias occidentaux, et en particulier français, annoncent quelques centaines de morts, puis jusqu'à 70000 morts quelques jours plus tard. On parle de « charniers ». En effet, on voit un certains nombres de cadavres alignés sur le sol et on imagine qu'il y en a beaucoup plus.

    Charnier de Timișoara, 1989

    Le magazine L'Événement du jeudi du 28 décembre 1989 titre même : « Dracula était communiste ». C'est le journal Le Figaro, qui dans son édition du 30 janvier, annonce qu'il s'agissait d'un faux, que les morts montrés à la télévision avaient été déterrés du cimetière de la ville.

    Chronologie médiatique

    • 22 décembre 1989 : « 4.632 cadavres », victimes des émeutes des 17 et 19 décembre, « soit par balles soit par baïonnette » (Tanjug), 7 614 manifestants fusillés par la Securitate. Sources : agences hongroise, est-allemande et yougoslave, repris par l'AFP à 18h54 : « 4.630 cadavres », « bilan tristement officiel ». Sources : Guillaume Durand (La Cinq), France Inter ;
    •  23 décembre 1989 : « 4.630 cadavres ». Source : Libération avec un Éditorial de Serge July, titré Boucherie  : « Timișoara libéré découvre un charnier. Des milliers de corps nus tout juste exhumés, terreux et mutilés, prix insupportable de son insurrection » ;
    • 4 janvier 1990 : « 689 morts » en Roumanie, dont 90 et 147 à Timișoara. Source : Libération ;
    •  15 mars 1990 : polémique sur l'éthique journalistique. Source : L’événement du jeudi.

    L'affaire semble essentiellement due à une compétition des médias entre eux, chacun reprenant l'information du concurrent en l'amplifiant. Le sociologue Pierre Bourdieu a appelé ce phénomène « la circulation circulaire de l'information ». Par ailleurs, l’affaire de Timișoara devait jeter le discrédit sur des médias qui, jusqu’alors, bénéficiaient de la confiance de leur public. Le soupçon qu’elle a fait naître a été confirmé, un an plus tard, par les débordements similaires qu’a occasionnés la guerre du Golfe. Et ce ne sont pas les chaînes d'information continue comme BFM qui ont amélioré les choses - ainsi en 2012 lors de l'affaire Mohammed Merah où BFM a annoncé l'arrestation du terroriste, puis hésitant et concluant par cette phrase d'anthologie : « Je vous confirme mes informations contradictoires »

    LA PRESSE ÉCRITE MENACÉE ?

    La presse écrite a vécu son âge d'or entre 1890 et 1950, l'érosion des ventes a débuté dès le début de la seconde moitié du XXe siècle. Ainsi, par exemple, Le Figaro tirait à 583.000 exemplaires en 1969, à 400.000 en 1980 et à 334.000 en 2011 ; son érosion a été de 31,5% entre 1969 et 1980 et de 16,5% entre 1981 et 2001.

    Face à la concurrence de plus en plus écrasante de la télévision, la presse quotidienne nationale a eu tendance à adopter les sujets et les façons de faire de celle-ci au lieu de renforcer ses points forts : l'analyse et la distance par rapport à l'émotion. Dans plusieurs cas, des journaux ont publié précipitamment des informations qui se sont révélées fausses ou en partie fausses. Ainsi, en n'affichant pas clairement sa différence entre elle et ses concurrents, la presse quotidienne nationale ne parvient pas à convaincre le lecteur de faire l'effort de l'acheter et de la lire.

    En plus de ce déficit de confiance, Internet, la presse people et la presse gratuite – avec, par exemple, le quotidien 20 minutes lancé en 2002 qui fait partie des quotidiens les plus lus en France - menacent la presse écrite traditionnelle d'information.

    Dans tous les pays développés, les vente de la presse écrite ne cessent de diminuer : la presse perd 5 ou 6% de lectorat tous les ans. Ainsi, aujourd'hui, moins d'un Français sur cinq lit un quotidien national chaque jour. En outre, à cause de sa faible compétitivité vis-à-vis de ses concurrents, le lectorat de la presse écrite vieillit (âge moyen : 55 ans). En outre, elle perd en ce moment 12 à 13 % de recettes publicitaires par an.

    Internet, les journaux gratuits ou encore la radio et la télévision (notamment les chaînes d’informations en continu) grignotent peu à peu des parts de marché et surtout attirent les nouveaux lecteurs. Le point commun de ces médias ? La gratuité et la facilité d’accès. La presse écrite traditionnelle souffre aussi de sa faible accessibilité. En effet, en ce qui concerne la presse écrite payante le lecteur doit aller chercher l’information dans un point de vente ou faire la démarche de s’abonner. Son prix et son mode de distribution peuvent représenter des freins à sa lecture. Ses concurrents gratuits ou internet donnent l’information au lecteur parfois même sans qu’il ne le demande : par exemple, on lui tend un journal gratuit en sortant du métro ou on lui résume l’actualité lorsqu’il consulte ses mails.

    LE PROBLÈME INTERNET

    C'est l'apparition du World Wide Web dans les années 1990 qui a permis de populariser Internet et donc les sites en tout genre, qui n'ont cessé de se multiplier, et notamment les sites d'informations. En effet, la plupart des journaux télévisés, radios ou écrits ont mis leurs contenus en ligne, de nouveaux journaux ont été créés et de nouvelles sources d'informations sont apparues. Toutes ne sont pas fiables, mais ces informations sont mises sur le même plan que celles vérifiées par des journalistes et il est parfois difficile de s'y retrouver.

    Dessin de Plantu

    Internet peut-il offrir une place pour un débat public d'opinion ou remet-il complètement en cause la profession de journaliste ? Il est évident que chacun peut s'y exprimer, diffuser des photographies ou des vidéos, énoncer n'importe quelle opinion et ce sans aucun contrôle. Cela permet d'éviter la censure ou l'autocensure, mais cela favorise aussi les fausses rumeurs : à charge pour les internautes de recouper les informations... c'est-à-dire de faire un travail de journaliste. En effet, Dominique Wolton explique en 2003 dans L'Autre mondialisation qu'« avec la mondialisation de l’information, le moindre événement est rendu visible, et apparemment plus compréhensible. Pour autant, il n’y a pas de lien direct entre l’augmentation du nombre d’informations et la compréhension du monde. Telle est la nouvelle donne du siècle qui s’ouvre : l’information ne crée pas la communication. »

    Plusieurs évolutions de l'information liées à Internet :

    Des journaux sont créés et diffusés uniquement sur Internet. C'est le cas par exemple de Rue 89, lancé en 2007 par d'anciens journalistes de Libération, et qui est gratuit, ou de Médiapart, lancé en 2008, et qui est payant. Bien que connus grâce à des affaires soulevés par ces journaux, ainsi Médiapart a-t-il joué un rôle clé dans la publication de l'Affaire Woerth-Bettencourt en 2010, la viabilité économique de ces journaux n'est pas garantie, et ce malgré les coûts réduits liés à la dématérialisation de ces journaux.

    Le journalisme citoyen est l'utilisation des outils de communication, notamment ceux apportés par Internet (site web, blog, forum...), par des millions de particuliers dans le monde comme moyens de création, d'expression, de documentation et d'information. Il y a un certain renversement dans ce domaine, le citoyen passant du rôle de simple récepteur à celui d'émetteur, devenant lui même un média. On appelle les acteurs du journalisme citoyen « Citoyen Reporter ». Il s’agit d’internautes qui souhaitent témoigner sur ce qu’ils voient, sur ce qu’ils entendent ou sur ce qu’ils constatent. Agoravox ou Citizenside sont les principaux acteurs sur internet s'étant dotés d'une plateforme communautaire de journalisme citoyen. Ce mouvement s'est amplifié lors des révolutions arabes de 2011. Aujourd'hui, les images de la répression syrienne viennent principalement de « citoyens reporters ».

    Parmi les travailleurs de l’ombre, il y a tous les inconnus qui ont créé des sites sur Internet ou qui se cachent dans les chats. Ils ne divulguent pas des informations toujours très fiables, mais ils n’en constituent pas moins une source d’information d’une importance croissante. En tout cas, les journalistes les utilisent de plus en plus, sous des formes diverses, pour trouver des scoops et remplir les colonnes de leurs journaux. Ce qui intéresse les journalistes ? C’est d’abord la variété des sources, puisque tout le monde peut envoyer une info sur le Web. Autre intérêt, et non des moindres : la rapidité et la facilité d’accès à des données.

    Pour autant, Internet ne détrône pas les agences de presse, qui continuent à faire leur travail de recherche, de vérification, d'organisation et de distribution de l’information. Car, sur Internet, la surabondance d'informations et la décentralisation du pouvoir de diffusion empêchent toute possibilité d'exercer un contrôle.

    La presse écrite tente de réagir en misant sur sa fonction de confrontation des opinions. Mais comme elle est en perte de vitesse et que son lectorat vieillit, de nombreux titres sont menacés (depuis décembre 2011, deux quotidiens n'existent plus en format papier : France Soir et La Tribune). De ce fait, l'avenir des journaux semble tourner vers la complémentarité : la plupart des journaux papier ont leur site internet. Si certains journaux, tel Le Canard enchaîné qui estime que son « métier, c’est d’informer et de distraire (ses) lecteurs, avec du papier journal et de l’encre. C’est un beau métier qui suffit à occuper (son) équipe », beaucoup partagent les idées d’adopter une stratégie plurimédiatique. Mais s'il y a des réussites sur le numérique, par exemple Libération ou Le Figaro ont quasiment plus de gens qui regardent le numérique que de personnes achetant leur journal papier, ces journaux n’arrivent pas à ce que leur information en ligne soit payée.

    On peut dire que c'est la fin du journalisme classique car le net offre une plus grande proximité avec ses lecteurs. En effet, l'énorme avantage d'Internet est de pouvoir offrir une possible interactivité entre l'auteur (le journaliste) et le lecteur. Ainsi sur le site Web de L'Express ou du New York Times, il est possible d'interroger un journaliste ou de faire part de ses réactions. Le sentiment d'appartenance à une communauté de lecteurs est renforcé. Le rôle du lecteur est ainsi plus actif, la relation plus directe, plus personnelle.

    L'aspiration à la transparence se développe : les débats qui ont surgi, en décembre 2010, à propos de la légitimité des révélations de Wikileaks ont ouvert un champ nouveau.

    Vidéo envoyée par le soldat Manning : elle montre des crimes perpétrés par l'armée américaine lors de la guerre en Irak en 2007. Cette révélation, ainsi que d'autres, ont a valu 35 ans de prison à Manning.

    Ces millions de documents piratés et diffusés en masse sur le Web ont certes jeté une lumière crue sur la boîte à double-fond des affaires publiques (diplomatie, relations militaires, monde politique, etc.). Mais ils ont été bien plus qu’un tsunami de révélations. Plutôt une sorte de manifeste du nouveau régime de l’information qui doit traiter non plus avec un défaut d’information mais avec son excès. Les centaines de milliers de war logs, rapports de guerre de l’armée américaine en Afghanistan et en Irak, les plus de deux cent mille télégrammes diplomatiques, représentant des millions de pages, qui ont été siphonnés par WikiLeaks, seraient demeurés opaques et sans valeur ajoutée pour le citoyen. Impénétrables, ils n’auraient pas pu servir à la délibération démocratique si Julian Assange, le patron de WikiLeaks, n’avait passé un accord de publication raisonnée et étalée dans le temps avec cinq grands titres mondiaux – dont Le Monde. Sans eux, ces informations auraient-elles été classées, expliquées, validées (et parfois filtrées en fonction de leur dangerosité) ? Cet événement majeur, dans ses dimensions, a mis en tension la presse écrite traditionnelle et les organisations informelles d’internautes. Un nouvel espace, de nouveaux acteurs sont donc apparus qui ont hérité et radicalisé l’action de cet « œil toujours ouvert ». Avec d’autres pratiques, d’autres compétences, une autre déontologie.

    L’essor des technologies numériques et de l’Internet interroge l’ensemble de la presse papier. La levée de certaines contraintes techniques entraîne une accélération de la transmission des informations. Mais cette course après l’information a parfois de fâcheuses conséquences : uniformisation dans la couverture photographique de l’événement et moindre vigilance quant aux informations reçues, pouvant expliquer la désaffection du public plus sceptique à l’égard des images notamment. Un site comme Acrimed tente d'ailleurs d'analyser ces problèmes.

    Remarques 

    Les émetteurs et les lieux multiples peuvent signifier une perte de l'identité. Plus que jamais aujourd’hui, sur Internet comme sur papier, l’information a un véritable besoin de crédibilité. C’est en cela que la marque devient un enjeu de taille. Gérard Courtois (directeur de la rédaction du Monde) le dit : « la force du site lemonde.fr, c’est avant tout la marque Le Monde ».

    L'expression individuelle est possible, mais la confrontation doit se faire à visage découvert, sinon, il est impossible de construire un nouvel espace public.

    Ce sont surtout les jeunes qui lisent de moins en moins la presse quotidienne. D'après une étude réalisée en 2004, la lecture des jeunes se heurte à trois obstacles : le prix trop élevé des quotidiens nationaux, leur distribution dans des lieux qu'ils ne fréquentent pas, leur contenu peu adapté à leur attente. Les 15-24 ans s'informent essentiellement par la télévision, par Internet et par les journaux gratuits. Ils composent un tiers du lectorat du gratuit 20 Minutes. Ainsi, les lecteurs de la presse quotidienne payante ont tendance à vieillir, alors que ceux de la presse gratuite (papier ou multimédia, c'est-à-dire les journaux en ligne) sont jeunes. Ce constat laisse présager une aggravation future de la situation des quotidiens. Or, la presse d'information, qu'elle soit sur papier ou en ligne, est le meilleur support pour les débats d'idées, et de son avenir dépend aussi celui de la démocratie. C'est pourquoi au-delà des questions économiques, beaucoup s’interrogent sur la manière de restaurer le lien de confiance entre la presse et son public. Comment redonner toute sa place au journalisme dans le débat démocratique et l’expression d’opinions plurielles ? Que penser de formes de journalisme inédites : journalisme de données, journalisme de liens ?

    « Christian Boltanski : l'absence omniprésenteDu temps de cerveau disponible vendu à Coca-Cola »

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