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Chabouté et les paris fous
Le noir et blanc "sert mes histoires et ça laisse aussi une porte ouverte : dans la bande dessinée, il manque toujours un médium, la bande-son. Je me dis que, si je fais bien mon travail, le lecteur va voir les couleurs et entendra cette petite musique..." explique Christophe Chabouté en 2014.
En 2014, Chabouté a publié l'adaptation d'un chef-d’œuvre de la littérature mondiale, Moby Dick de Melville. Après coup, il confie : "Je suis un peu suicidaire, je savais que je m’attaquais à un monument et qu’il fallait réduire 500 pages à 200. Mais avec très peu d’images, on peut en dire beaucoup…"
Comme toujours, il y a peu de dialogue : "Je raisonne plus en termes de dessin que de texte, j’ai tendance à faire passer davantage les émotions avec des regards, des silences… L’image est suffisamment puissante pour qu’elle fonctionne. Quand on lit un roman, on s’imagine les illustrations. En BD tout est fait, alors il faut laisser une place à l’imagination. C’est pour ça que je ne surenchéris pas." C'est aussi pour cela que Chabouté prend le temps de mettre en place les décors et les personnages, comme le montrent les premières planches de Tout seul, paru en 2008. Cet album, d'une touchante humanité et plein de poésie, se déroule également dans un milieu maritime, tout comme Terre-Neuvas, paru en 2009.
Autres paris fous :
- adapter en 2007 la nouvelle de Jack London, Construire un feu qui n'a que deux personnages : un chercheur d'or et son chien dans le Grand Nord. Dès les premières planches, une angoisse saisi le lecteur.
- ou encore raconter l'histoire d'un banc dans Un peu de bois et d'acier, en 2012 :"J’étais allé voir le patron de Vent d’Ouest en lui disant : “J’aimerais bien faire un bouquin de 400 pages dont le héros principal serait un banc… En plus, il n’y aura pas une ligne de texte.” Il y eut un long blanc, mais ça a été banco, comme toujours ! [...] Je voulais un récit à la Tati, ou comme ceux du mime Marceau, capable de rappeler à quel point l’inutile et le quotidien peuvent être beaux pour peu qu’on les regarde d’un œil attentif."
Par ailleurs, Chabouté présente une vision de la société durement réaliste, que ce soit avec Pleine lune, publié en 2000 ou avec Fables amères - De tout petits riens, en 2010. Ainsi, une petite fille reconduite dans son pays par un policier offre-t-elle à ce dernier un dessin quand ils se séparent...
Voici une brève interview le montrant en train de dessiner pour avoir une idée de sa technique - "encre et papier, il faut que je sente la matière, que je mette de l’encre partout" - et de quelques unes de ses sources d'inspiration.
Tags : Chabouté, BD, noir et blanc
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