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Edward Snowden, un défenseur de la démocratie
"Quand nous vivons dans une période de conflit, où nous sommes confrontés à de graves menaces étrangères, il est important de protéger nos valeurs. Car c'est dans ces périodes de panique que l'on perd des droits", Edward Snowden.
Le choix de son pseudonyme, "Citizenfour", est révélateur du combat de Edward Snowden : il se bat pour que soient respectés le droit de chaque citoyen et donc de la démocratie. C'est pour cela qu'il a dénoncé en 2013 les écoutes indifférenciées pratiquées par la NSA.
"Voulons-nous sacrifier notre vie privée pour la sécurité ?", demande-t-il. Si son choix a été vite fait pour répondre à cette question, en revanche il a mûrement réfléchi avant de faire ses révélations, autant pour tenter de se protéger que pour être le plus efficace possible. Car à partir du moment où la surveillance est devenue indiscriminée, Snowden a voulu la rendre publique pour que les citoyens sachent ce qui se passe, espérant qu'ils fassent pression sur leur gouvernement pour modifier une situation inique. Car comme le rappelle Amnesty International, il existe des "règles strictes visant à protéger les citoyens, notamment la présomption d’innocence et la protection de la vie privée. Cela signifie que les gouvernements doivent disposer d’éléments incriminants avant de restreindre les libertés de quiconque."
"Est-ce que c'est juste, est-ce que c'est moralement permis de violer les droits d'une population ou d'un seul individu ?" questionne encore Snowden, lors de sa conférence pour Amnesty France, en décembre 2014. Durant celle-ci, il est revenu sur la surveillance de masse, son inefficacité et son coût, mais aussi sur le programme de torture mis en place par la CIA, enfin dénoncé par le Sénat américain, et donc arrêté car finalement porté à la connaissance du public : "Si les programmes ont été arrêtés, c'est parce que les journaux les ont révélés". Comme il l'a rappelé, "l'efficacité n'a aucune place dans la discussion sur ce qui est le bien et le mal de la torture. L'efficacité n'est pas une justification des activités criminelles qui se sont déroulées lors de la dernière décennie".
Plus on lit et plus on écoute Snowden, que ce soit dans le documentaire Citizenfour de Laura Poitras ou dans des interviews, plus on se rend compte à quel point il s'agit d'un "jeune homme d’une justesse incroyable, éloquent, tolérant, érudit" et plein d'humour. En voici un exemple, rapporté par le Monde et concernant ses éventuels rapports avec les services secrets et les élus russes : "Ces allégations viennent sans preuves, ils sont juste tellement sûrs que je suis un espion russe que, hé, ça doit en devenir vrai. Et je le comprends vraiment. Après tout, j'ai enseigné le contre-espionnage informatique [selon eux] à l'Agence du renseignement de la défense. Mais quel sens ça aurait ? Pourquoi aurais-je été coincé dans un aéroport pendant un mois ? J'aurais eu droit à des majorettes et une médaille à la place. Personne n'a su quoi faire de moi. J'ai refusé de coopérer avec les services russes par tous les moyens et ça n'a pas changé."
On retrouve ces qualités humaines dans une interview réalisée en décembre 2014 par Darius Rochebin au Festival du Film et Forum International sur les Droits Humains. Snowden y revient sur son exil douloureux dû à la justice américaine qui lui a juste promis qu'il ne serait pas exécuté... Il y explique aussi pourquoi il est entré au service de la CIA : "protéger la société et la civilisation, non en commettant des actes criminels mais en trouvant la vérité". Il annonce enfin qu'il s'engage dans la "communauté technologique" pour défendre ses idéaux : "trouver des moyens pour protéger nos communications tout autour du monde". Ce genre de propos expliquent que Snowden rêve de vivre dans "une société vibrante et mélangée", un monde où les "gens qui ont des valeurs opposées [...] trouvent le moyen de mettre ça de côté et [...] vivent ensemble".
Le 2 juin 2015, "le USA Freedom Act, la loi qui réforme – timidement – les moyens de surveillance de l’Agence nationale de sécurité (NSA) des États-Unis" était adopté par le Sénat américain, rapporte un article de Libération. Deux jours plus tard, Snowden, dans une tribune à Amnesty International, confie : "il y a eu des moments où j’ai craint que nous n’ayons mis nos confortables existences en danger pour rien – et que le public réagirait avec indifférence ou ferait preuve de cynisme en découvrant des preuves révélant que des gouvernements démocratiques rassemblaient et enregistraient des milliards de données personnelles de personnes innocentes. Je n’ai jamais été aussi heureux d’avoir eu tort." Certes, il est lucide : "le droit à la vie privée [...] reste menacé par d’autres programmes et autorités" et ce partout dans le monde. "Pourtant, les rapports de forces commencent à changer. Nous assistons à l’émergence d’une génération post-terreur, qui rejette une vision du monde définie par une tragédie particulière. Pour la première fois depuis les attaques du 11 Septembre, nous discernons les contours d’une politique qui tourne le dos à la réaction et à la peur pour embrasser la résilience et la raison. Chaque fois que la justice nous donne raison, que la législation est modifiée, nous démontrons que les faits sont plus convaincants que la peur. Et, en tant que société, nous redécouvrons que la valeur d’un droit ne se mesure pas à ce qu’il cache, mais à ce qu’il protège."
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